Nouvelle parution

 


La vie vue par la tête ne vaut pas mieux que la vie vue par un poisson rouge. C’est un jardin à la française.

Céline


Un intellect éblouissant, un psychisme d’enfant : Napoléon est la quintessence de l’idéal révolutionnaire français.Le fils modèle des Lumières. Mieux que quiconque, Napoléon incarne ce mélange de rationalisme aride et de niaiserie adolescente qui est le propre des Lumières. Cet esprit de sérieux lourd, obtus, morne à crever, qui masque un univers mental régi par la puérilité. Ce culte fanatique de la déesse Raison visant à occulter que tout, dans les Lumières, n’est que pure déraison.

La « raison » des Lumières, c’est la passion des chimères. « L’esprit » des Lumières, c’est la pensée magique. La soumission sans réserve au principe de plaisir. Jusqu’en ses conséquences les plus délétères… les plus désastreuses… les plus funestes… Voyez comment a fini l’épopée napoléonienne… et comment est en train de finir l’aventure des Lumières…

L’homme des Lumières est un enfant. Qui peut s’avérer supérieurement intelligent, disposer d’un cerveau extrêmement performant ; mais qui, psychiquement, est dominé par ses caprices. Mu par son seul égocentrisme. L’homme des Lumières est un bébé tout neuf et sans aspérité qui ignore le passé, les ancrages, les héritages, l’Histoire. Croit que tout est soluble dans ses sottes utopies. Que tout peut se régler par un décret de son nombril.

Napoléon, dis-je, est tout cela. Napoléon est le plus bel enfantdes Lumières. D’une intelligence fulgurante, foudroyante, étourdissante ; et d’une puérilité affligeante. D’une lucidité redoutable, sur les champs de bataille ; d’une naïveté insondable, dans les pays défaits. Littéralement imbattable, sur les terrains stratégiques et tactiques ; littéralement lamentable, dans sa façon de considérer les peuples vaincus (j’allais écrire « conquis », mais c’est précisément ce que Napoléon n’a pas fait : conquérir les peuples : emporter leurs cœurs).

Personne, à part quelques pitres jaloux, ne songe à contester les prodigieuses facultés intellectuelles de Napoléon. Personne, à part une poignée de jappeurs aigris, ne songe à nier que Napoléon fut un génie. Mais rendre à Bonaparte ces évidents hommages ne nous interdit pas de nous interroger sur les raisons de l’échec — que dis-je, sur les raisons du drame que vit notre pays depuis que, tout génie qu’il fut, le grand Napoléon rendit la France « plus petite qu’il ne l’avait prise »… la suite ici