Le progressisme est l'opium du peuple

 
« La religion est l’opium du peuple » répètent d’un air entendu ceux qui n’ont jamais ouvert un bouquin de Karl Marx, ni même d’ailleurs un seul bouquin. Et il leur suffit que Saint Karl Marx l’ait dit pour qu’ils le considèrent comme parole d’Evangile. Ce qui, chez des gens qui se croient émancipés des religions, dénote une crédulité et une absence d’esprit critique assez cocasses…
 
« La religion est l’opium du peuple » : je ne sais pas dans quel état se trouvait Karl Marx quand il a écrit cette ânerie ; mais tout laisse à penser qu’il subissait lui-même l’effet d’un puissant psychotrope… Ou alors qu’il pensait à une certaine religion répandue dans le bassin méditerranéen, mais pas, ô surtout pas, en aucun cas, au catholicisme. Parce qu’enfin, un peuple sous opium qui trouve l’énergie d’ériger des cathédrales, de transformer des marécages en Venise, d’élever Rome, Florence et Prague, de composer des Requiem, de peindre des centaines de milliers de tableaux et d’accoucher de génies tels que Raphaël, Le Corrège, Rubens et Mozart, j’aimerais bien connaître le nom de son fournisseur… Et, pour tout avouer, je deviendrais volontiers client… et accro… Drôle d’opium, en effet, que celui qui fait germer tant de beauté dans le cœur de l’homme, et tant de volonté d’exprimer cette beauté. Drôle d’opium que ce remède à l’avachissement, à la laideur, à la vie vautrée. Drôle d’opium que cette religion ayant engendré des splendeurs qui nous enchantent encore cinq, six, dix siècles plus tard et rendent ce monde, malgré tout, à peu près habitable.
 
A peu près habitable, mais tout juste : quand on voit le niveau de crétinisme et d’apathie de l’Occident déchristianisé, ces tronches ternes et sans vie qui se traînent tristement dans l’absurdité, ces zombies approximatifs qui pataugent dans la laideur et la médiocrité sans jamais s’en plaindre, ni a fortiori jamais rien créer de joyeux ou de beau ; quand on voit ces regards vides, cette hébétude pâteuse, cette nonchalance molle, cette léthargie visqueuse, cette inertie face au désastre, on a comme l’impression, précisément, de se trouver en présence d’un corps truffé d’opium. Vautré, torpide, mourant mais impuissant. Indifférent à sa déchéance. Oui, l’Occidental areligieux présente tous les symptômes d’un corps saturé d’opium, tandis que son ancêtre religieux, lui, débordait de vitalité, d’enthousiasme, et d’une aspiration infatigable à s’élever…
Alors on s’interroge. On se dit que Karl Marx, qui n’était pas si bête, ne peut pas avoir écrit une telle énormité : « La religion est l’opium du peuple ». On observe donc cette phrase. On la triture. On essaie de trouver l’anomalie. Et alors germe une hypothèse… L’hypothèse d’une erreur. Erreur de traduction. Oubli d’un bref tiret. Un tout petit tiret, un tiret qui change tout, car il rend pertinente une phrase aberrante. Oui, plus on observe le zombie anémique qu’est devenu l’Occidental déchristianisé, plus l’hypothèse d’une erreur de tiret prend de l’épaisseur. Et si, malgré ce qu’en disent ses traducteurs attitrés, Karl Marx n’avait pas écrit « La religion est l’opium du peuple », mais « L’a-religion est l’opium du peuple » ? L’a-religion, c’est-à-dire l’absence de religion ? Ce serait, pour le coup, énormément logique. Parfaitement empirique. En accord harmonieux avec l’observation. Et beaucoup plus cohérent avec la prescience qu’on attribue traditionnellement à Marx…
 
« L’a-religion est l’opium du peuple » : c’est désormais un fait établi. Un fait irréfutable, que chaque jour de ce siècle infect nous « offre » de vérifier. C’est précisément depuis qu’il a rejeté la religion, sa religion, que l’Occident ressemble à un corps sous opium. Et c’est précisément quand il était pétri de religion qu’il trouvait l’inspiration, la vigueur, la joie inextinguible de vivre et de créer…
 
Nous le savons, désormais, nous en avons la preuve jour après jour : l’a-religion produit sur l’homme l’effet d’un puissant opium. L’opium le plus intense, l’opium le plus impitoyable, l’opium le plus dévastateur jamais élaboré.
L’a-religion, c’est-à-dire le refus de laisser la foi féconder la raison, condamne l’homme à la stérilité.
L’a-religion, c’est-à-dire le déni de transcendance, condamne l’homme à l’insignifiance.
L’a-religion, c’est-à-dire la destruction de la vie intérieure de l’homme, condamne l’homme à la vacuité.
L’a-religion, c’est la vie dans l’absurdité. La vie dans l’errance. La vie dans l’esclavage. Bref, c’est la vie d’un drogué ; et ce n’est pas un hasard si notre époque est celle des antidépresseurs et autres drogues… l’addiction appelle l’addiction… engrenage bien connu…
 
Karl Marx avait donc raison : l’a-religion est l’opium du peuple. Mais depuis Karl Marx, notre vocabulaire s’est enrichi : nous disposons dorénavant d’un autre mot pour désigner l’a-religion : ce mot, c’est progressisme. Qu’est-ce d’autre, en effet, que le progressisme, sinon la forme la plus aboutie du rejet de la transcendance ? Qu’est-ce donc que le progressisme, sinon l’expression la plus pure de la tentative idiote et arrogante de vivre sans Dieu ?
Utilisons donc ce progrès, et donnons un coup de jeune à la formule de Marx : au XXIème siècle, « L’a-religion est l’opium du peuple » se dit : « Le progressisme est l’opium du peuple ».
 

2 commentaires sur « Le progressisme est l'opium du peuple »

  1. Bah, ne gâchez pas votre précieuse énergie à surinterpréter Marx : il disait lui-même qu'il n'était pas marxiste !En d'autres termes, il avouait sans peine avoir écrit soit de pures âneries soit des analyses à destination de ses lecteurs et suiveurs les plus crédules.Quant à l'homme « a-religieux » comme je l'ai écrit il y a peu je n'y crois pas une seconde : celui qui rejette telle foi se remplit instantanément d'une autre, presque toujours bien plus délétère que la précédente.La sainte trinité contemporaine : Rationalisme, Scientisme et Technologisme. Qui sont d'autres notions que les raison, science et technologie.L'absence de Dieu provient de trois sources : la révolution copernico-galiléenne qui fait de l'homme une créature isolée dans l'infini, Darwin et son évolutionnisme qui déchoit l'homme de sa position privilégiée pour rejoindre une gigantesque généalogie du vivant, enfin la médecine moderne, la psychologie et le freudisme qui dessinent un homme-machine soumis à ses réflexes, stimuli, conditionnements et inconscient.Effectivement comme vous le notez nos contemporains ressemblent à s'y méprendre à des junkies errant sans but (ça change de l'image du zombie). La drogue on en prend initialement pour aller bien, ensuite on en prend pour ne plus être mal.

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  2. Le progressisme s'éteindra lui aussi peu à peu. Patience. D'ailleurs il suffoque déjà sous le poids de ses propres contradictions.N'oublions pas que nous sommes nombreux dans le monde à ne pas céder à cette idéologie.

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