Qui sème l’utopie récolte la barbarie. Les utopistes ne veulent pas qu’on rouvre les maisons closes : ce qu’ils veulent, eux, c’est faire disparaître la prostitution. C’est faire disparaître le plus vieux métier du monde. Abracadabra… Ce qu’ils veulent, nos gentils utopistes pleins des bonnes intentions dont est pavé l’enfer, c’est éradiquer un invariant anthropologique qu’on retrouve à toutes les époques et dans toutes les civilisations, car il est lié à la plus impérieuse des pulsions : la pulsion de vie. Elle-même expression d’un instinct pas tout à fait négligeable : l’instinct de reproduction. “Abolissons Eros !” : voilà le slogan de nos amis du genre humain. “Il suffit d’un décret pour en finir avec la pulsion de vie” : voilà ce qu’ils pensent, ces grands subtils. Et ces grands modestes… Ce à quoi ils ne pensent pas, en revanche, nos bons amis du genre humain, c’est qu’en réprimant certains comportements, on peut en déchaîner de bien pires : les instincts trouvent toujours un chemin. Ce qu’ils ignorent, nos faux-amis du genre humain, c’est que l’Histoire est pleine d’utopies de pureté qui conduisent à l’enfer ; et que ce sont toujours les fanatiques de la vertu qui engendrent les pires catastrophes. Puisque leur « pensée » repose sur un déni de la nature humaine. Sur une chimère de perfection qui est une haine de l’Homme. On n’éradiquera pas le plus vieux métier du monde. Le mieux que l’on puisse faire, c’est de rendre ses modalités les moins sordides possible. Alors oui, les maisons closes, c’est répugnant ; mais c’est toujours mieux que le bois de Boulogne, les sorties de périph’ et les réseaux barbares. Oui, la prostitution est une longue souffrance ; mais ses traumatismes seront toujours moindres dans un endroit sécurisé où les clients sont filtrés, que seule dans la rue, à la merci des racailles et des pires traitements. On ne peut pas vouloir le bien jusqu’au mal : quand il s’agit de réguler les turpitudes de la pulsion de vie, le moindre mal, c’est déjà bien.