Quand un conflit éclate, il y a les moutons, les suiveurs, les perroquets à propagande qui prennent immédiatement et docilement le parti qu’on leur indique comme avantageux socialement ; et il y a les héritiers de mille ans d’intelligence européenne qui, avant de prononcer un jugement, font l’effort d’instruire le dossier… de comprendre les enjeux… de connaître l’Histoire… de faire preuve de nuance… Inconscients ! Ils n’ont pas compris, ces raisonneurs candides, que dans notre Occident infantile, la nuance est un crime ; que le manichéisme est la vertu suprême.
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Chronique d'une époque de nains 
Un autre exemple de ce refus de la nuance.J'ai le souvenir des informations radio lorsque la Yougoslavie a éclaté. Les journalistes au début étaient un peu perdus dans une situation où les adversaires semblaient tous avoir à la fois tort et raison et se jetaient à la tête des griefs anciens qui remontaient à l'époque de la conquête turque, ou aux mouvements de libération du XIXème siècle, ou aux Oustachis de l'occupation nazie. De fait, dans l'histoire compliquée des Balkans, chacun avait été tour à tour victime et bourreau. Trop compliqué pour nos journalistes, trop compliqué aussi pour les auditeurs. En quelques jours le récit s'est décanté, un coupable a progressivement été désigné (les Serbes), tous les autres n'ont plus été que leurs victimes (statut enviable en des temps compassionnels et larmoyants). Un beau récit bien manichéen a été construit, facile à comprendre pour un public ignare et incurieux. Un récit aussi qui a facilité le bombardement ultérieur de la Serbie par l'OTAN.
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