Quand son corps apparaît, tout de grâce hésitante,
Avec son beau visage au dessin enchanteur
Et ses gestes empreints d’une molle candeur,
On croirait une biche, timide et élégante.
Elle envoûte l’esprit par ses airs indolents,
Ses ondulations hypnotisent les sens,
Le moindre de ses pas semble une douce danse ;
Pourtant, son déhanché est tout sauf innocent
Et son ingénuité s’arrête aux apparences ;
Elle sent, elle sait, cette vierge lascive
Qu’ardente ou nonchalante, opiniâtre ou passive,
De ses courbes s’exhale un parfum d’indécence
Dont tout homme se trouve aussitôt enivré
Et qui, tout en faisant, suave, miroiter
D’indicibles promesses d’infinies voluptés,
Est un opium auquel, corps et âme livré
Il est désormais vain d’espérer échapper.
Mais quel est l’insensé qui briserait les chaînes
D’un si doux esclavage ? Qu’importent donc les peines
Et les heures prostrées, si l’on peut attraper
Un fugace moment de féerie charnelle ?
Qu’importent la torpeur et les journées éteintes
Si la rançon en est une furtive étreinte ?
Oui, je suis disposé, ô amante cruelle
À offrir mon esprit, mon temps, ma volonté
Pour tes consentements hautains et éphémères ;
À sacrifier ma paix d’homme insouciant et fier
Sur l’autel incertain de notre volupté.
Captif, j’ai renoncé à toute dignité :
Pour contempler sans fin ton visage languide,
Je croirai sans soupçon tes mensonges perfides
Et resterai aveugle à tes déloyautés ;
Esclave de tes yeux, de tes seins, de tes reins,
Je veux, pour prolonger cette servilité,
Ne jamais déchiffrer tes infidélités,
De tes longues éclipses, oh, non, ne penser rien,
Et quand tu vas partir, accepter sans gémir
D’ignorer qui, demain, entendra tes soupirs
Et où te conduira ta quête du plaisir ;
Inlassable traîtresse, oui, je veux te bénir
Jusqu’en tes plus infâmes et sombres turpitudes ;
Ajouter foi à tes excuses fallacieuses,
À tes esquives de déesse dédaigneuse ;
Qu’ignorer tout de toi soit ma terne habitude.
Passionnément dupe, ainsi, je me résigne
Pour savourer toujours tes amères délices,
Tes feintes émotions, tes sentiments factices
À vouer mon existence à attendre tes signes ;
Que ma vie se consume et, vaine, s’évapore
Dans la morne hébétude et les heures atones
À fixer sans repos ce maudit téléphone
Qui ne vibrera pas ; qui reste comme mort
Mort comme mon esprit, et mort comme mon âme
Délabrée par l’espoir d’un mythique bonheur,
Rongée par la détresse et par le déshonneur,
Par l’opprobre exerçant sa lancinante lame.
Avant toi, ô merveille, ingénue libertine,
La femme était pour moi une chose futile,
Une esclave, une proie, un triomphe facile ;
Je dépends désormais de tes humeurs mutines ;
Tu es mon châtiment, mon expiation.
Esclave de ma proie, soumis à ma conquête,
La fierté m’a quitté de relever la tête,
Et j’apprends à chérir cette damnation :
Éperdu, je poursuis des mirages déments,
À des illusions, je dédie tout mon être,
Et, avec la fureur de qui veut disparaître,
Inexorablement, je cours à mes tourments.
J'aime votre poème.Ah l'amoureux que vous êtes ! (ou avez été) Vous devez bien souffrir !(ou avez bien dû souffrir) pour décrire ainsi ce mal tant aimé d'être de l'amour prisonnier.Souvent de vos textes, jaillissent à la dérobée des éclairs de lumière semblables aux reflets d'un diamant bien taillé, comme autant de trouvailles d'un esprit riche et habité.
J’aimeJ’aime
Très bon poème. Très -trop- baudelairien. A ce niveau de référence et d’emprunts on est presque dans le pastiche… mais ça marche bien… « accepter sans gémir d’ignorer qui, demain , entendra tes soupirs »… « Et avec la fureur de qui veut disparaître »…excellent ! Ironique quand même pour n’être pas dupe du pastiche… mais triste… avec de la musique… très bien…
J’aimeJ’aime
Merci ; que peut-on souhaiter de plus qu'être très, qu'être trop baudelairien ? Il faut croire qu'on n'invente jamais rien ; surtout quand on fréquente quotidiennement le plus grand des poètes. Cela étant dit, je peux vous garantir qu'il y a quand même énormément de moi dans ce poème. Bon dimanche à vous.Nicolas
J’aimeJ’aime
Merci.
J’aimeJ’aime
Je crois que nous partageons le même amour de Baudelaire… il n’y a pas si longtemps je connaissais encore les deux tiers des fleurs du mal par cœur… et je me les récite souvent… sa musique…ses tournures syntaxiques…son vocabulaire me sont , je crois, extrêmement familiers… la première partie de votre poème est très inspirée… la suite vous est plus propre… ça n’a pas d’importance… vous êtes habité par la phrase baudelairienne et elle doit vous hanter spontanément… c’est plus fort que vous… bon travail…
J’aimeJ’aime
En effet, pas un jour sans Baudelaire… Merci encore !
J’aimeJ’aime