L’homme moyen n’est nullement orgueilleux de son âme, il ne demande qu’à la nier, il la nie avec un soulagement immense.
Bernanos
Si le bipède français du XXIème siècle savait écrire, il célébrerait les délices de la servitude. Les voluptés de la soumission. Il exalterait le bonheur de vivre à genoux. Nous conterait en détail comme il est doux d’abdiquer tout esprit critique pour se vautrer sans retenue dans l’obéissance aux injonctions les plus idiotes, les plus absurdes, les plus contradictoires. S’il savait écrire, le bipède français décrirait la jouissance qu’il éprouve à porter un masque chirurgical dans une rue déserte. À conduire masqué. Et, très probablement, à baiser masqué. Le Français masqué, s’il n’était pas analphabète, nous expliquerait avec délectation le plaisir qu’il tire de condamner les frontières, et d’approuver les gestes-frontières. De soutenir sur un ton d’évidence qu’un virus se propage frénétiquement dans un restaurant, et pas du tout dans un métro bondé. Oui s’il savait écrire, le bipède qui barbote dans l’enclos hexagonal dresserait l’éloge inlassable et ardent de son modèle d’épanouissement : l’animal de troupeau.
Les moutons masqués gouvernent la France. Il faut venir en France pour mettre un visage — masqué, certes, et cependant inoubliable — sur les locutions fureur de conformisme, rage de suivisme et ivresse de soumission. Nulle part ailleurs qu’en France ne se donne tant à voir la zombification de l’humanité, quand elle a renoncé à penser : à résister : à être libre. Nulle part ailleurs qu’en France ne se vérifie aussi éloquemment la phrase de Goya : « Le sommeil de la raison engendre les monstres. » La France est un grouillement de monstres. De monstres obscurantistes. De monstres rugisseurs qui rouscaillent dans leur masque sitôt qu’ils aperçoivent un individu libre ; un être humain pensant qui a choisi d’agir selon son libre arbitre, et non l’odieux diktat des soldats de l’absurde. « Eh ! Oh !! Le masque !!! » qu’ils gueulent à s’en péter les poumons, bien plus sûrement qu’avec n’importe quelle pneumonie…
En chacun d’entre nous sommeille un dictateur ; chez les esprits médiocres, il a le sommeil léger. Le prurit dictatorial des despotes masqués s’accompagne ainsi d’une extraordinaire médiocrité : quand vous tombez sur un de ces timbrés qui vous glapit dessus à travers les vapeurs fétides de son masque en PQ, demandez-lui donc des explications… du pourquoi qu’il faudrait que vous portiez un masque dans une rue déserte… Vous aurez droit à un vague bafouillis de sottises superstitieuses sur les pouvoirs magiques du masque, presque immanquablement conclu par un éloge pâteux du respect de la loi parce que c’est la loi. L’esclave de l’absurde aime beaucoup invoquer le respect de la loi. Il aime beaucoup, l’esclave de l’absurde, s’enivrer d’arguties pseudo-philosophiques mais surtout très vaseuses sur l’importance du respect de la loi. Oui il adore, l’amoureux éperdu du non-sens, travestir sa haine de la liberté en respect de la règle. Il croit qu’ainsi déguisée, sa frénésie de soumission se retrou
… restons entre esthètes : la suite est réservée à ceux qui savent vraiment apprécier ma plume. Explications :
« La seule manière de gagner de l’argent est de travailler de manière désintéressée. » Je révère Baudelaire, mais je dois me résoudre à cette désillusion : Baudelaire avait tort. Pour écrire, j’ai ruiné ma carrière. J’ai tiré un trait sur les gros salaires que me promettait mon gros diplôme de grosse école d’ingénieurs. Et je vais au devant de procès, d’intimidations, de saccages de ma vie sociale et de tourments en tous genres… J’en suis donc arrivé à me dire, peut-être orgueilleusement, que l’ivresse de mes textes valait bien celle d’un demi-demi de bière. Par mois… Et je me suis même dit, peut-être ingénument, que ceux qui m’appréciaient seraient heureux de pouvoir me témoigner leur gratitude par ce petit geste. Un petit geste pas si petit, à l’aune de l’effet qu’il aurait sur ma confiance et sur mon engagement… Un petit geste qui pourrait susciter de grandes choses… car si écrire est une activité solitaire, on est bien moins fécond lorsqu’on écrit dans le désert… Merci d’avance, donc, à ceux qui estimeront que mon temps, mes efforts, mes sacrifices, et surtout le plaisir qu’ils prennent à me lire valent bien ce petit geste de reconnaissance. Et d’encouragement. Car je ne sais pas si vous avez remarqué, mais en ce siècle barbare, les belles plumes sont une espèce de plus en plus rare… une espèce menacée…