Superstitions

 
Quand on cesse de croire en Dieu, ce n’est pas pour ne croire en rien, c’est pour croire à n’importe quoi.
G. K. Chesterton

 

Il y a bien longtemps, les civilisations tenaient les catastrophes naturelles pour des manifestations de la colère des dieux. Les phénomènes climatiques étaient regardés comme des punitions divines contre une humanité qui avait beaucoup péché. Aussi, les hommes multipliaient offrandes et rituels dans l’espoir d’obtenir la clémence céleste.

Dans ces temps reculés, la superstition était la norme. L’obscurantisme régnait. Des grands prêtres, appelés « experts », énonçaient le dogme ; ceux qui le contestaient, ou se permettaient simplement d’adopter une attitude réservée à son égard, étaient désignés à la vindicte populaire. Conspués. Diabolisés.

C’étaient des blasphémateurs : ils ne méritaient aucun respect, ni aucune charité. Et encore moins d’être écoutés : dans les civilisations obscurantistes, c’est un fait bien connu que de la bouche d’un blasphémateur ne peuvent sortir que des sottises et des horreurs ; et que symétriquement, de la bouche du clergé n’émanent que des vérités supérieures et indiscutables.

Dans cette époque d’obscurantisme et de superstition, les plus hautes autorités de la Sainte Eglise écologiste enseignaientque le dieu Climat était fâché contre l’humanité. Et que s’il en allait ainsi, c’était parce que l’humanité avait gravement péché contre Sainte Mère Nature. Le péché de l’humanité, en l’occurrence, s’appelait « pollution » : si le dieu Climat devenait fou, fou de rage, c’était parce que les hommes se rendaient perpétuellement coupables du péché de pollution.

Certains accueillaient cet article de foi avec scepticisme. Ils y objectaient qu’il était pour le moins difficile de saisir l’ensemble des motivations du dieu Climat, et donc présomptueux de prétendre maîtriser le fonctionnement d’une entité aussi complexe…

Mais on sait ce qu’il en va du scepticisme, dans une époque d’obscurantisme. On connaît le sort réservé à ceux qui prônent la prudence et la nuance, dans une civilisation qui ne supporte ni l’incertitude ni la complexité, et ne se sent à l’aise qu’avec des croyances irréfutables.

Impossible, dans une civilisation si intensément religieuse, de suggérer que le péché de pollution n’était peut-être pas la seule explication à la fureur du dieu Climat. Impossible, dans une civilisation si peu attachée aux faits et à la raison, de faire entendre qu’à des époques antérieures, pourtant totalement vierges du péché de pollution, le Climat avait déjà manifesté des comportements pour le moins erratiques. Impossible, dans une société possédée par un si furieux besoin de croire, de rappeler que le Climat était sans doute le sujet le plus ardu qu’il eût été donné aux hommes d’étudier ; que dans cette mesure, se prétendre capable d’anticiper l’évolution du Climat relevait soit de l’escroquerie, soit d’un orgueil inouï. Et violait en tout état de cause les principes élémentaires de la démarche scientifique : circonspection, honnêteté, humilité, et donc répugnance à se montrer catégorique sur des sujets dont la complexité nous dépasse.Les voies du Climat sont impénétrables ? Tel n’était pas l’avis de la Sainte Eglise écologiste. Elle, était dans le secret du dieu Climat. Elle, savait. Elle édictait donc le catéchisme de l’Eglise climatique, que les paroisses médiatiques s’empressaient de diffuser dans les bulletins paroissiaux — qu’on appelait alors « journaux » :

  1. L’homme, dans son infinie malfaisance, s’est rendu coupable du péché de pollution.

  2. Le dieu Climat, dans son infinie justice, venge l’offense faite à Sainte Mère Nature en déversant sur les hommes toutes sortes de calamités — tempêtes, typhons, tornades, ouragans et déluges — et, plus terrible encore : en réchauffant la planète de 2°C sur 50 ans.

  3. Pour espérer apaiser la colère des cieux, l’humanité doit ériger sans délai et sans modération des monuments à la gloire du dieu Climat et de Sainte Mère Nature.

C’est ainsi que, sur le modèle de la vente des indulgences que pratiquèrent au XVIème siècle certains prêtres indélicats de l’Eglise catholique, le peuple, en ce début de XXIème siècle, se voyait chaque année soutirer des dizaines de milliards d’euros par les prêtres-experts, en échange de l’espoir du pardon divin. L’argent ainsi récolté n’avait cependant pas la même destination : alors qu’au XVIème siècle, il fut employé pour permettre la construction de la basilique Saint Pierre de Rome — édifice somme toute assez minable —, il servait, en ce début de XXIème siècle, à financer des édifices bien plus somptueux : des totems. Des totems par milliers. Par centaines de milliers. Et bientôt par millions.

Des totems qu’on appelait alors non pas totems, mais éoliennes. Mais des totems quand même. De purs objets de culte. Des totems-éoliennes répandus sur toute la planète pour la plus grande gloire la Sainte Eglise écologiste

… restons entre esthètes : la suite est réservée à ceux qui savent vraiment apprécier ma plume. Explications :

Ce texte est extrait de l’ouvrage :

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