Il faut toujours marcher avec son temps, même si le temps ne va nulle part.
Bernanos
Les zombies sont En Marche. Ils arrivent. Plus que deux petites semaines, et ils investiront l’Elysée. Alors, ce sera parti pour la méga zombie-party. Une zombie-party de cinq ans, qui achèvera de zombifier la France et les Français. Après quoi chacun retournera dans son tombeau. Et la France sera morte.
Mais n’anticipons pas : pour le moment, les zombies sont En Marche. C’est The Walking dead version française. La marche des crevés. Ce n’est pas tout à fait « Marche ou crève » ; c’est « En Marche et crève ». Et c’est la même chose.
Le défilé des morts-vivants s’est mis En Marche. Avec en tête de cortège Macron et son sourire de tête de mort. Pour le moment, le bataillon est encore en ordre dispersé. Certains sont à la traîne. Il faut dire qu’ils n’ont plus l’habitude, de cavaler comme ça ! Robert Hue, par exemple, commence seulement à s’extirper de son cercueil. On voit apparaître son petit collier de barbe… Ah ! Le voilà ! Il se frotte les lunettes… n’en revient pas d’être revenu à la vie. Bonjour papa Noël ! Bienvenue en 2017 ! Allez, En Marche ! On compte sur toi, hein Robert, pour nous apporter du sang neuf ! Car n’oublions pas : Le changement renouvellement, c’est maintenant. Avec Robert Hue.
Plus loin, on aperçoit Pierre Bergé. Lui aussi semble avoir quelques difficultés à marcher. En Marche, d’accord, mais mollo. Il faut dire qu’à 86 balais, avec une vie aussi remplie, le fessier ne répond plus tout à fait comme à vingt ans. Mais enfin, il est là. Radieux. Rayonnant. Débordant de cette joie de vivre si communicative, et si caractéristique du progressiste. Il tourbillonne, Pierre Bergé, il virevolte, il pétille ; et puis surtout il respire la gentillesse. Pierre Bergé, c’est une publicité « vivante » pour le progressisme. Une fois qu’on l’a vu, et qu’on l’a écouté, on ne peut plus douter : le progressisme, c’est bienveillant et fraternel.
Au premier rang du défilé, la grosse tête de Bayrou vient d’apparaître. Elle emplit tout l’espace. Le cameraman essaie de dézoomer au maximum. En vain. Bayrou, c’est un peu l’arbre qui cache la forêt En Marche. Mais c’est surtout un gage de renouvellement. Il est donc là, placide. Il a toujours été là. Il a toujours été placide. Hermétique à toute émotion. C’est à se demander s’il a même poussé un cri à la naissance. Mais enfin, il est là. A quoi sert-il ? On le découvrira peut-être un jour. En attendant il fait des phrases. Aussitôt oubliées qu’elles sont prononcées. Il dit une chose, puis son contraire. Ca l’occupe. C’est sa vie.
Derrière notre Bayrou à front de taureau, Jacques Attali trépigne, s’agite, s’excite. Il essaie d’exister. Désespérément il brandit son 358ème livre — que dis-je, son 358ème chef-d’œuvre. Qui nous annonce une fois de plus des tas de choses qui n’arriveront pas. Peu importe : notre boussole qui indique le Sud tient à le vendre, son foutu bouquin. Il trouve qu’il n’a pas encore gagné assez de fric.
Hé ho, les caméras ! Par ici ! J’ai un livre ! Un livre passionnant ! Un livre prophétique ! Comme tous les autres ! Car j’ai fait Polytechnique, moi ! Je suis donc très intelligent, et je sais ce qui est bon pour les gens ! Je sais, moi, ce qui les rend heureux ! Quarante ans que je m’y emploie, à les rendre heureux ! Par pure philanthropie ! Par pure charité (en amassant quand même quelques millions d’euros au passage) ! Voyez le résultat ! A commencer par moi ! Voyez comme je rayonne ! Comme je resplendis ! Voyez comme le progressisme me réussit !
Pour être honnête, il tire plutôt une trombine morose, en ce moment, Jacques Attali. Mais pas d’inquiétude : c’est juste qu’il est dans sa phase « artiste maudit ». A 73 ans. Bon, d’accord, normalement, ces délires narcissiques, c’est plutôt vers 20 ans ; mais on ne peut pas être précoce en tout.
Pour bien faire « artiste maudit », Attali s’est laissé pousser une barbe. Méticuleusement négligée. Puis il a foutu des fringues trop grandes. Et puis il prend des airs sombres, mystérieux. Tourmentés. Avec tout ça, il faut le croire : c’est un mystique, le père Attali.
Un haut-fonctionnaire mystique.
Et un artiste maudit. Un artiste maudit qui préside une société de conseil en stratégie internationale.
Et un ascète. Un ascète millionnaire.
Et un solitaire. Un apparatchik solitaire.
Et un ermite. Un ermite qui a ses entrées partout, un carnet d’adresses épais comme un dictionnaire Français-Chinois, et le plus grand réseau du monde.
Bref, c’est un homme authentique, le père Attali. Tout sauf un imposteur.
Et surtout, Attali, c’est la garantie du renouvellement : il y a 43 ans, il dirigeait la campagne présidentielle de François Mitterrand (mort il y a 20 ans). C’était en 1974. Macron n’était pas né.
Dans le lointain, d’épaisses volutes de fumée laissent deviner le profil du destructeur débonnaire Cohn-Bendit. Toujours aussi élégant, toujours aussi profond qu’à vingt ans. N’ayant jamais douté de lui, il radote ses éternels slogans. « Il est interdit d’interdire ! » « Jouissez sans entrave ! » Il tourne en boucle, il n’en sort pas. Pas de doute : avec ce nihiliste dodu, on sent que le renouvellement arrive au pas de charge.
Le renouvellement, le sang neuf, l’esprit d’innovation, c’est aussi Gérard Collomb, 70 ans. Dont 40 ans au Parti socialiste. Et Bernard Kouchner, 77 ans. Ministre de Jospin et de Fillon. Et tous les notables du PS qui s’agitent en ce moment pour se recaser. Et aussi Estrosi le grand modeste. Et Raffarin. Bref, la crème de l’anti-système.
Non, décidément, y a pas à dire : le vent du renouvellement souffle fort, dans les rangs de Macron ! Le sang neuf y abonde ! La fougue de la jeunesse l’anime !
Lors d’un meeting, Macron a déclaré qu’il se trouvait « christique ». Certains ont cru malin de rigoler. De se moquer. D’y voir une énième manifestation de sa mégalomanie. De son prodigieux narcissisme.
Ils avaient tort. D’abord parce qu’il est très déconseillé de rire de quelqu’un qui ne rit jamais — or qui a déjà vu Macron rire, je veux dire d’un rire franc, chaleureux, bienveillant, et non de ce sourire de tête de mort qu’il arbore en toutes circonstances ? Et puis surtout parce que Macron a bel et bien une dimension christique. En effet, il ressuscite les morts. Il fait revenir à la vie les cas les plus désespérés. Et ce, à une cadence bien plus effrénée que le Christ. Macron, c’est la résurrection passée au stade industriel. La résurrection à flux tendu. Et — miracle supplémentaire — il parvient à faire passer ce recyclage de ce que le monde politique compte de plus ringard, de plus gâteux, de plus mort, pour un gage de renouvellement. Avec un culot inouï, il présente sa marche des notables comme la quintessence de l’antisystème. Et ça marche. Macron a réussi le miracle de créer ce personnage antinomique : l’apparatchik antisystème. Certes, on savait bien, depuis Goebbels, que « plus le mensonge est gros, plus il passe ». Mais en l’occurrence, ce principe ne suffit pas à expliquer le succès de Macron. Non, même les incrédules doivent se rendre à l’évidence : l’escroquerie Macron relève du miracle.
Quoi qu’il en soit, c’est donc avec cette équipe de revenants que Macron va gouverner.
C’est auprès de Robert Hue, de Daniel Cohn-Bendit, de Bernard Kouchner et de Jacques Attali qu’il va prendre conseil. Tous ces gens qui ont mené la France à l’abîme ; tous ces gens qui ont mis la France non pas en marche, mais à genoux ; tous ces gens qui sont comptables du désastre économique, sécuritaire, identitaire, civilisationnel dans lequel la France s’embourbe depuis quarante ans, tous ces fléaux vont se voir offrir cinq ans de plus pour achever leur œuvre destructrice.
Mais ce n’est pas tout. Tendez l’oreille… Non, vous n’entendez pas ? Vous n’entendez pas les hennissements de Ségolène Royal ? Ni Manuel Valls piaffer ? Ni Marisol Touraine rouler ses gros yeux de cheval fou ?
Vous n’entendez donc pas ? Toute l’écurie gouvernementale des ces cinq dernières années qui s’ébroue ? Tous les vieux chevaux de retour du hollandisme qui trépignent ? Prêts à repartir pour un tour ?
Vous n’en vouliez plus ? Vous les aurez tous ! Allez, Krikri Taubira, en piste ! Valls, à la suite ! Par ici Ségolène ! Tiens, Jean-Marc Ayrault ! On t’avait presque oublié, toi ! Comme on se retrouve ! Najat, à toi ! Et Laurence Rossignol ! Toujours aussi modeste et compétente ! Viens par ici ! Ah, quel plaisir de revoir toute la dream-team du quinquennat Hollande ! L’antisystème au grand complet ! Tout ce sang neuf ! Car mettez-vous bien ça en tête : Le changement renouvellement, c’est maintenant ! Ah, on va bien s’amuser ! Ah oui alors, qu’est-ce qu’on va se poiler, cinq ans de plus en leur compagnie ! Nous sortons de deux quinquennats de cauchemar ? Et alors ? Ne dit-on pas Jamais deux sans trois ! Allez, c’est reparti !
Toutes ces gueules que vous ne pouvez plus voir en peinture, vous les verrez tous les jours pendant cinq ans à la télé, dans vos journaux, sur tous vos écrans ! Cinq nouvelles années de parler-mutant, de langue de bois insupportable, cinq nouvelles années d’inaction, de condamnations les plus fermes des attentats, cinq nouvelles années de lutte contre l’islamisme à coups de stop-djihadisme.gouv.fr.
Pas de doute : avec le nouveau régime Macron-Attali-Kouchner-Taubira-Valls-Belkacem, la France sera belle, dans cinq ans. Plus d’islamisme, plus de communautarisme, plus de délinquance. La France sera remise sur les rails. L’avenir s’annoncera radieux. Et nos enfants nous remercieront.
Oui, nos enfants nous remercieront pour notre lucidité et notre courage, en ce 7 mai 2017. Ils nous remercieront pour notre résistance à la propagande, aux intimidations, à la terreur intellectuelle. Ils nous remercieront pour avoir gardé intact notre discernement, au beau milieu la tempête médiatique. Surtout, ils nous remercieront pour notre capacité à nous projeter dans l’avenir ; à anticiper les conséquences de nos choix…
Quel beau futur pour eux, grâce à nous !
Eric Zemmour a écrit un livre intitulé Le suicide français. Il ne croyait pas si bien dire. Cela dit, une fois n’est pas coutume, il me semble qu’il commet dans cet excellent livre une erreur d’analyse. En effet, il y soutient l’idée que les élites mènent le peuple au suicide contre sa volonté, pour ainsi dire malgré lui. D’après Eric Zemmour, le peuple ne veut pas mourir. Le peuple résiste. Le peuple est rétif.
J’ai longtemps souscrit à cette hypothèse. Mais l’issue annoncée de cette présidentielle la dément de la manière la plus claire : avec un peuple rétif, Macron ferait 5%. Pas 60. A fortiori quand ledit peuple se voit offrir une occasion unique de mettre un terme au cauchemar qu’il vit depuis quarante ans. Oui, une occasion unique car dans cinq ans, sous les effets conjugués des dynamiques migratoires et des lois de naturalisation votées durant le prochain quinquennat, ceux qui veulent sauver la civilisation française seront devenus minoritaires. Autrement dit, le sauvetage de la civilisation française sera devenu impossible. Du moins par les voies démocratiques…
Mais les Français rejettent cette chance unique, incarnée par Marine Le Pen.
Cette femme qui veut mettre fin à l’impunité des racailles et protéger les honnêtes citoyens, ils la méprisent. Sans savoir pourquoi. Sans jamais l’avoir écoutée. Par simple mimétisme. Par pur conformisme. Parce qu’en 2017, il apparaît moral et humaniste de reprendre à son compte, sans le moindre examen, les caricatures ignobles déversées sur une femme.
Cette femme, donc, qui entend livrer une guerre sans pitié aux islamistes qui veulent égorger nos fils et voiler nos filles, les Français la rejettent et l’insultent.
Cette femme qui est prête à donner tout son temps, tout son talent, toute son énergie, toute sa vie pour protéger les Français, ils lui crachent au visage et la traitent de fasciste.
Quarante ans de haine de soi ont porté leurs fruits : le peuple français en est arrivé à un tel point de détestation de soi, qu’il déteste ceux qui veulent le sauver. C’est le syndrome de Stockholm. Les Français se sont habitués à leurs bourreaux. Ils ont fini par les aimer. Par approuver leurs humiliations. Par les réclamer, même.
Les Français ne veulent plus qu’on leur relève la tête. Ramper leur va bien. Lentement, un sourd désir de disparaître s’est insinué en eux. Il est là, maintenant. Ancré. Irrémédiable. Le nihilisme a triomphé.
Les Français sont dévitalisés. Ils n’ont plus l’envie, ni la force nécessaires pour refermer la parenthèse mortifère des quatre dernières décennies, et renouer avec quinze siècles de gloire. L’histoire de France est finie. Elle s’arrête là. La victoire annoncée de Macron est la preuve éclatante de ce refus de vivre. De cette abolition chez les Français du plus élémentaire instinct de survie.
C’est fini. Hollande a mené les Français au bord du précipice. Et ils répondent En Marche.
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