Portrait-robot de l’antithèse absolue de l’artiste (encore appelée « artiste contemporain »)

 

Si vous vous refusez à étudier l’anatomie, l’art du dessin et de la perspective, les mathématiques de l’esthétique et la science de la couleur, laissez-moi vous dire que c’est plus un signe de paresse que de génie.

Dali

L’art des artistes doit un jour disparaître, entièrement absorbé dans le besoin de fête des hommes.

Nietzsche

 
 

L’Art est mort. Les artistes l’ont remplacé. Depuis que tout le monde est poète, que tout le monde est artiste, que tout le monde est passionnant et entend bien le faire savoir, des nuées d’esprits fades, de cerveaux stériles, d’âmes anémiées et de mains inhabiles ont déferlé sur les territoires de l’Art et pris la place des individus puissants et créatifs qu’étaient les vrais artistes. Rubens, Beethoven, Baudelaire, Céline, Picasso, Dali, Titien, Raphaël, Le Bernin, Le Corrège, Le Tintoret, De Vinci, Delacroix, Molière, Chopin, Mozart : nous ne retrouverons plus de tels prodiges, qui ne pouvaient exister que tant que l’égalitarisme, cette utopie consolatrice pour jaloux et frustrés, et la ruine savamment orchestrée de tout sens esthétique n’avaient pas totalement nivelé l’humanité, remplaçant la reconnaissance inégalitaire des temps historiques par la fierté universelle et sans condition.

Les « artistes » d’aujourd’hui, c’est-à-dire ceux qui sont présentés comme tels par les élites idiotes et les médias lèche-cul, sont des incompétents congénitaux, impuissants à créer quoi que ce soit de consistant et de durable. Pour masquer leur stérilité, ils l’enrobent d’une verbosité pseudo-intellectuelle tellement absurde qu’elle assomme le spectateur et décourage en lui toute velléité d’esprit critique. Vainqueurs par K.O., ils peuvent alors déclarer qu’ils continuent l’histoire de l’art. Comme s’il y avait une filiation entre leur vacuité et la puissance des vrais artistes ; entre leurs productions creuses et hideuses, et les œuvres denses et grisantes des créateurs. Ces charlatans sont à l’Art ce que la pustule est au visage : ils vivent à ses dépens, et aimeraient bien faire croire qu’ils en sont partie intégrante quand ils ne font que le vampiriser.

Tous ces ratés se ressemblent tellement, dans leur impuissance et leur prétention inouïes, qu’en dépeindre un suffit à tous les décrire. C’est ce que nous allons faire…

… restons entre esthètes : la suite est réservée à ceux qui savent vraiment apprécier ma plume. Explications :

Ce texte fait partie de l’ouvrage :

Le jeunisme est un naufrage




Au lieu de monopoliser le siège du juge,
le journalisme devrait se confondre en excuses au banc des accusés.
Oscar Wilde


Aucun spectacle n’est plus délicieux que celui de l’entre-soi. C’est un plaisir des plus vifs que d’observer des clones se glorifier de leur originalité, des moutons célébrer leur indépendance d’esprit, des perroquets se décréter libres penseurs, des sosies se flatter de leur singularité.
La caste des journalistes est à cet égard un fonds inépuisable autant qu’emblématique. Ces suiveurs nés, incapables de « penser » autrement qu’en troupeau, et dont l’étroitesse d’esprit confine au sectarisme, adorent se décerner des titres de libres penseurs, d’esprits ardents, indépendants et novateurs. Ces dociles missionnaires du progressisme, englués dans toutes les plus poisseuses idéologies, aimeraient nous convaincre qu’ils sont en mesure de produire une analyse pertinente du monde qui nous entoure. Ces complices serviles des plus odieuses occultations, falsifications et propagandes voudraient nous faire croire qu’ils résistent. Qu’ils sont vigilants. Aux aguets. Qu’ils sont sagaces, perspicaces et lucides. Qu’ils pensent. C’est évidemment faux. Ces défaits de la pensée ne font jamais que répéter les analyses préfabriquées et obsolètes de leurs maîtres, dans le langage préfabriqué et obsolète de leurs maîtres, avec les concepts préfabriqués et obsolètes de leurs maîtres. Mais il ne faut pas que ça se sache. Alors, ils lancent régulièrement de grandes campagnes d’autocélébration plus ou moins camouflées et par lesquelles, grâce à un pilonnage médiatique méthodique et massif, ils parviennent à créer l’illusion de la vivacité intellectuelle.
Pour la dernière campagne, c’est Le Point qui s’y collait : on pouvait voir, la semaine dernière, s’étaler sur les kiosques à journaux une couverture ahurissante de ridicule assumé, et dont la puissance comique était encore redoublée par un titre grotesque à souhait : « Les vrais jeunes ». Les journalistes du Point, ces représentants de la pensée la plus congelée, du conformisme le plus plat, du confort intellectuel le plus vautré, ces radoteurs professionnels jamais lassés d’expliquer le monde en y plaquant leurs grilles d’analyse scolaires et futiles, se sont donc crus fondés à décerner des titres de jeunisme — pardon, de jeunesse. Redoutable distinction, que tout individu ambitionnant de produire une pensée et une esthétique neuves devrait considérer comme un horrible châtiment. Il n’existe pas de plus grande défaite, pas de plus grave signe de déchéance que d’être encensé par des journalistes. Seuls ceux qui partagent la même ambition qu’eux, à savoir faire durer leur imposture aussi longtemps que possible, devraient se réjouir d’être ainsi amplifiés médiatiquement. Et ce n’est certes pas le cas présent qui nous démentira : il suffit de regarder le sourire satisfait de celui qu’ils ont choisi de propulser en couverture de leur miséreux article (et qui donc, à leurs yeux, symbolise la vraie jeunesse de l’esprit) : Jean d’Ormesson, vieux coquet à minauderies gracieuses pour rombières mal liftées et académiciens momifiés. Ce graphomane automatique, archétype de la plume incolore, bien élevée, académique à en crever d’ennui, est donc considéré par ces esthètes de journalistes comme un grand créateur. Décidément, le flair des plumitifs me surprendra toujours… Mais comprenons leur démarche : étant aussi fades, aussi stériles, aussi impropres à innover, aussi éperdument conformistes que leur champion du jeunisme, c’est un compliment indirect qu’ils s’adressent à eux-mêmes en le présentant comme l’incarnation de la fougue, de l’effervescence, de la créativité soi-disantpropres à la jeunesse. Tout cet article, d’ailleurs, véritable inventaire (non-exhaustif) du jeunisme, est sous-tendu par un présupposé assez pénible : tout ce qui est positif, réussi, sympa, pétillant, serait jeune. L’innovation, la puissance créatrice, l’originalité, la créativité seraient l’apanage des jeunes. Un vieux, s’il produit quelque chose d’intéressant, ne le devrait en aucun cas à sa vieillesse ; il le devrait à sa jeunesse résiduelle. Il ne serait pas venu à l’esprit de ces journalistes, par exemple, d’intituler leur article « Les vrais vieux ». Pourquoi ? Les exemples n’abondent-ils pas de vieux qui font mille fois mieux que n’importe quel jeune et ce, précisément parce qu’ils sont vieux ? Que font-ils, ces journalistes, de l’expérience, de la connaissance, du recul critique, du discernement, toutes choses bien plus susceptibles de se retrouver chez un vieux (pas ceux de l’article, on l’aura compris) que chez un jeune ? N’opèrent-ils pas en creux une dépréciation de la vieillesse ? Horreur, n’y aurait-il pas ici stigmatisation ? Discrimination ? Ne sentirait-on pas comme des relents nauséabonds de fascisme (qui fut aussi, rappelons-le quand même, un culte de la jeunesse, du moderne, du nouveau) ?
Mais n’insistons pas. N’ébranlons pas le misérable édifice de stéréotypes sur lequel est fondée la « pensée » de ces journalistes, ainsi que leur détestable vision du monde. Ce serait de toute façon peine perdue : il existe un stade de décrépitude intellectuelle au-delà duquel toute remise en question de ses illusions est structurellement impossible. Et ces journalistes l’ont largement dépassé. Vieux ou pas.

Le gauchiste

Notre époque, féconde en pitres,
En petits castrés pathétiques,
Piteux roquets tragi-comiques,
A donné naissance au gauchiste.

La gauchiste est un bon toutou
Que l’on retrouve un peu partout :
Gauche et droite, cocos, sarkozystes,
Et autres oppositions factices

(C’est qu’il n’a pas encore compris
Que gauche et droite sont des sosies
Et que de cette escroquerie
Il est le pigeon bien farci).

Le gauchiste habite un quartier
Intello-bio et convivial,
Avec des restos pas banals
Et des boutiques décalées,

Des ateliers d’écriture gays,
Des centres d’action poétique,
Des bars à vin très atypiques,
Et de charmants vide-greniers.

Dans sa cantine il recommande
La soupe de potirons bio
Et le bo bun façon bobo ;
Ici tout est fait sur commande.

Ouvrir en terrasse un Libé
Et porter des Converse aux pieds
Sont ses suprêmes voluptés
Et sa grandiose destinée.

Sur son pull Zadig améthyste
Tissé en cashmere équitable,
Ethique et développement durable,
Est brodé dans le dos « ARTIST » :

Comme tout gauchiste il est artiste,
Adepte d’un art subversif,
Dérangeant, explorant des pistes,
Et citoyennement actif.

Friand de concepts innovants
Par des artistes dissidents,
Indépendants, contestataires
(A qui l’Etat verse un salaire),

On peut le voir se prosterner
Devant des tas de fer rouillé
Et des surfaces de peinture noire :
Il nomme ça « Renouveau de l’art ».

C’est qu’il est ouvert au changement,
Et non réac, vieux et borné ;
Avant-gardiste et tolérant,
Il combat pour la nouveauté

Et changer les mentalités :
« Il faut, martèle-t-il, que cesse,
La différenciation des sexes,
Cette conception dépassée,

Vieux concept hétérocentré
De l’hégémonie masculine,
Archaïsme que, sans tarder,
Il faut œuvrer à mettre en ruines. »

Pour éradiquer le machisme,
Il ose à fond le féminisme ;
Mais gaffe ! il ne supporte pas
Qu’on mette en cause la burqa.

Alors il tourne furibond :
« Il ne faut pas stigmatiser ! »
Hurle-t-il, tout congestionné,
« Halte aux propos nauséabonds ! »

En roulant de gros yeux outrés,
Tout rouge, à deux doigts d’exploser.
C’est que lui n’est que tolérance,
Fraternité et bienveillance,

Compassion télévisuelle,
Philanthropie par sms,
Myopathes-show, sida-festival,
Et autres charity-business ;

Il pleure devant les Enfoirés,
Mais il est tout horripilé
Quand il se fait solliciter
Par un clochard sale et concret.

Pour la liberté d’expression
Il combat héroïquement
En achetant dévotement
Toutes les nouvelles éditions

Du catalogue des reporters
Sans peur, ni reproche, ni frontières
(En revanche il est à fond pour
Qu’on fasse taire Eric Zemmour).

Il chérit la diversité
L’insolence, la provocation,
Les esprits libres et effrontés,
Les vrais rebelles façon Guillon,

Mais il glapit « Procès ! Procès !! »
Dès qu’il entend une objection.
« Ah ! Dérapage nauséabond ! »
« Oh ! Heures sombres ! Vite, un procès ! ».

Inlassable pour fustiger
La brûlante actualité
De l’inquisition, des croisades,
Par les cathos, ces grands malades,

Il hurle à l’islamophobie
Dès qu’on critique la charia.
« Intolérance ! », alors, il crie
Et puis « Ne stigmatisons pas ! »

« Tordons le cou aux préjugés ! »
« IL NE FAUT PAS STIGMATISER ! »
(Mais les cathos sont des fachos
Ou au mieux des débiles mentaux).

Il vomit le colonialisme
Qui vraiment fait honte à la France,
Mais au nom du vrai humanisme
Prône le devoir d’ingérence ;

Saturé d’universalisme
Comme en son temps Saint Jules Ferry,
Il soutient le militarisme
Promu par Saint Bernard-Henri :

A coups de bombes philanthropiques
Il offre au Moyen-Orient
Des perspectives idylliques :
Chaos, charia et bains de sang.

Indigné par l’odieux suivisme
De ses ancêtres moutonniers,
Par ces siècles d’obscurantisme,
Ces collabos, ces résignés,

Il n’a pourtant jamais rien dit
De mal sur son époque à lui
(A part le credo médiatique
Et les clichés sociologiques).

Du passé sans cesse il critique
Les approbateurs frénétiques
Mais applaudit frénétiquement
Les atrocités du présent :

L’Europe uniformisatrice,
Sa dictature technocratique,
Le despotisme médiatique,
Qui le broient et l’infantilisent ;

C’est qu’il faut aller de l’avant,
Ne surtout pas être en retard,
S’inscrire dans le sens de l’Histoire,
En un mot vivre avec son temps

(Ce qui est très exactement
Ce que clamaient les collabos,
Qui d’ailleurs étaient socialos,
Pour masquer leurs renoncements).

Entre son dogme écologique,
Son catéchisme médiatique,
Ses homélies droits-de-l’hommistes,
Et son credo antiraciste,

Sans compter sa vénération
Pour l’iPhone et sa dévotion
A la Sainte Consommation,
Il s’imagine sans religion.

Comme son journal de déférence,
Il pardonne tout à Lénine
Mais ne peut pas saquer Poutine :
Il a le sens de l’indulgence.

« Et Pie XII, alors, ce fumier ! »
Crie-t-il en t-shirt du Che,
« Et Papon alors le fasciste ! »
(On lui dit qu’il était gauchiste ?),

« Et Le Pen alors ce salaud ! »
Devant son Warhol de Mao,
« Et Benoît XVI le pro-sida ! »,
Puis son préservatif craqua.

Il faut, dit-il, c’est sa manie,
Veiller à son hygiène de vie,
Manger sain et équilibré,
Soigner son capital santé ;

Pour rester jeune et donc heureux,
Il faut être précautionneux
Et bien prendre soin de son corps :
Très peu d’excès, beaucoup de sport.

Alors mardi et vendredi,
Il sort son short le plus sexy
Et court retrouver ses sosies
Qui courent en rond à l’infini.

Il pratique aussi le yoga
Pour épanouir ses chacras
Et boit bien sûr beaucoup d’Evian
Pour retrouver son âme d’enfant ;

C’est un vrai papa-kangourou
Jamais avare de poutous,
Qui faute de virilité,
Sait torcher le cul de bébé :

Il faut admirer sa fierté
Et son intense gravité
Quand il inflige à son morpion
Le supplice du biberon ;

C’est qu’une étude publiée
Dans son journal de révérence
Par des chercheurs assermentés,
Des autorités en sciences,

Etablit que l’embrouillement
Entre les rôles des parents
Aide à l’épanouissement,
A l’équilibre de l’enfant.

Alors tout fier, tout frétillant,
Dans son t-shirt PCCC
Et ses jolies Converse aux pieds,
Il équilibre son enfant.

Il en fera un bon gauchiste
Encore plus dérangé que lui,
Plus moutonnier, plus extrémiste,
Quel merveilleux projet de vie !